La vague d’arrestations dans les rangs de quelques hommes d’affaires ne doit nullement se muer en campagne de diabolisation et de dénigrement.
La vague d’arrestations ciblant des hommes d’affaires survient dans un contexte économique difficile marqué par une succession de crises multisectorielles et de négociations qui restent au point mort avec le Fonds monétaire international. Des témoignages d’hommes d’affaires recueillis s’accordent à qualifier la campagne d’arrestations de «sélective et de vindicative». Quelques-uns d’entre eux ont choisi de quitter le pays pour éviter d’éventuelles poursuites judiciaires et ont préféré gérer leurs affaires depuis l’étranger, nous fait savoir un homme d’affaires qui a requis l’anonymat.
Certains hommes d’affaires n’ont pas manqué de pointer du doigt une campagne de diabolisation et de dénigrement visant les uns et épargnant bien d’autres. Ce qui suscite des interrogations sur les intentions sous-jacentes de ces arrestations. Ces poursuites s’apparentent à des «mesures revanchardes» prises à l’encontre des hommes d’affaires qui se sont enrichis sous l’ère du président déchu figurant sur la liste établie par la commission de Abdelfatteh Amor, présument-ils.
L’association «Azimoun» a de son côté publié un communiqué dans lequel elle souligne la nécessité d’éviter les campagnes de diabolisation des hommes d’affaires, des investisseurs et du secteur privé, qui joue un rôle important dans le développement économique et l’instauration de la paix sociale. D’aucuns reconnaissent cependant, l’existence d’infractions graves dont sont responsables des hommes d’affaires qui profitent d’un système législatif caduc, de la mainmise de l’État sur des secteurs compétitifs et de son incapacité à mener les réformes nécessaires pour construire une économie libre, prospère et transparente.
«On n’est pas hostile à la reddition des comptes»
Il est opportun de rappeler que les hommes d’affaires en question, et en dépit parfois de lourdes infractions et de fraudes dont ils seraient coupables, sembleraient snober la conciliation pénale. A présent, ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. En effet, lors d’une rencontre accordée à Samir Majoul, président du patronat, le 28 juillet 2021 au Palais de Carthage, Kaïs Saïed a été bien clair, avant même la création de la Commission de conciliation pénale, précisant que les hommes d’affaires concernés par cette liste auront l’occasion de recourir à la conciliation pénale à condition de s’engager à rendre l’argent spolié. Face aux tergiversations des uns et des autres, la machine judiciaire s’est mise en branle.
On n’est pas hostile à la reddition des comptes dans le cadre de procès équitables et le respect des institutions de l’Etat, a déclaré à son tour le secrétaire général de l’Ugtt, Noureddine Taboubi, lors d’un meeting organisé au siège de l’Union locale des travailleurs à Enfidha (Sousse). Il semble répondre, par ricochet, à cette campagne d’arrestations.
Saïd a rappelé le rôle national de l’Utica
Certes, certains hommes d’affaires ont commis des infractions à des niveaux différents de gravité et ont longtemps profité d’une application de la loi à géométrie variable d’une législation caduque, comme a tenu à le souligner Kaïs Saïed.
Parmi ces infractions, l’évasion fiscale qui revêt une importance capitale en raison de ses répercussions sur le budget de l’Etat. D’autres hommes d’affaires ont bénéficié de crédits bancaires sans garanties, causant de grosses pertes aux entreprises bancaires publiques et à l’économie nationale. «Tout cela ne doit nullement aboutir à une diabolisation systématique et gratuite des hommes d’affaires en Tunisie. Il faut laisser la justice faire son travail en toute indépendance», nous souligne le propriétaire d’une moyenne entreprise dans le grand Tunis.
Le Président de la République, Kaïs Saïed, a reçu, lundi 20 novembre 2023, au Palais de Carthage, M. Samir Majoul, président de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica). Il a rappelé le rôle national de cette organisation, appelant ses membres à soutenir les efforts de l’Etat dans cette étape cruciale, soulignant par la même occasion que la lutte contre la corruption ne vise pas les hommes d’affaires qui travaillent dans le respect total de la loi.